Oraux du CAPES, de l’agrégation, de concours d’écoles d’ingénieurs, de commerce ou autres, grand oral de Terminale… Les élèves préparant ces échéances diverses, à enjeux tout aussi divers, peuvent ressentir cette même peur panique de dire des bêtises mathématiques à l’oral.
« Contrairement, peut-être, à d’autres matières laissant plus de part à la subjectivité, où je pourrais broder un petit peu pour m’en sortir, en mathématiques, ça passe ou ça casse : la moindre petite bêtise sera retenue contre moi. Soit ce que je dis est vrai, soit ce que je dis est faux, et l’oral est gâché ». Non.
Il ne s’agit pas, bien sûr, de décomplexer complètement quant à l’erreur. Le but de cet article n’est pas de dire « trompez-vous comme vous voulez, tout ira bien, ne vous inquiétez pas ». Au contraire, commençons par prodiguer un petit conseil de bon sens pour limiter les inadvertances à l’oral. Il est tout simple, tout bête : essayez de ne pas parler trop vite.
À titre personnel, dans la vie de tous les jours ou lorsque je m’enregistre en vidéo, je suis quelqu’un qui parle relativement vite. Si elle peut paraître agréablement fluide par moments, cette vitesse d’élocution peut vite devenir un écueil, propice aux erreurs personnelles d’une part, et aux incompréhensions de notre interlocuteur d’autre part. En situation de stress, ce débit verbal s’accélère généralement. Parler un peu plus lentement, ce n’est pas se forcer au point que cela ne paraisse plus naturel, au point que l’on se dise « mais qu’est-ce qu’il est en train de nous faire là, une Bayrou ? »
De manière plus mesurée, si, par exemple, le jury me demande de préciser tel ou tel point, si l’on me balance « ah bon, vous voulez utiliser ce théorème ? Quelles sont ses hypothèses déja ? », je ne suis pas obligé de répondre du tac au tac. Ce n’est pas comme si je jouais à Questions Pour Un Champion avec trois autres personnes qui veulent répondre plus vite que moi.
Maîtriser le temps, c’est se permettre de temporiser, sans toutefois donner l’impression de vouloir gagner du temps. Vous n’êtes pas l’élève Ducobu à qui on pose cette même question « combien font 6 fois 7 », qui n’est pas fichu de retenir que c’est 42 une bonne fois pour toutes, et qui temporise avec Monsieur Latouche pour pouvoir se donner le temps de tricher ou que sais-je. Bref, je m’écarte du sujet, revenons-y.
Que faire en cas d’hésitation ? Cette hésitation peut tout à fait être naturelle. Il n’y a pas de mal à meubler un petit peu dans ce cas, pas tant pour gagner du temps que pour proposer, à l’oral, quelque chose de moins désagréable que des « euh euh »… Plutôt « ah, il me semblait que telle hypothèse manquait… Je ne suis pas tout à fait sûr… J’ai peut-être confondu deux résultats… »
Evidemment, dans l’idéal, on ne met pas en avant le fait qu’on ne soit pas sûr d’un théorème qui est dans le programme, parce qu’on est bien préparé. Mais les trous de mémoire arrivent, et plus vous donnerez l’impression d’une discussion naturelle, mieux ce sera ; à niveau mathématique fixé, bien entendu. Je ne vous dis absolument pas que ces rustines orales remplacent le fait de connaître son cours et d’être bien préparé à son oral. Mais à niveau mathématique égal, quelqu’un qui donnera l’impression que la discussion avec son interlocuteur est naturelle sera toujours privilégié.
Tenez, situation précise où beaucoup perdent leurs moyens: le jury vous pose une question, vous répondez, le jury vous rétorque « vous êtes sûr de ça là ? » Donnez-vous quelques instants de réflexion, et si vous êtes honnêtement sûr de vous, si vous ne voyez pas ce qui cloche, répondez par l’affirmative. Il m’arrive, en tant que colleur, de demander ça à un élève alors que ce qu’il écrit est parfaitement juste. Ce n’est pas pour mener une guerre psychologique contre lui, mais pour voir s’il est à même d’esquiver un piège classique, s’il peut en profiter pour extrapoler en me disant « oui parce que telle hypothèse… Dans telle autre situation, ça aurait été faux.. » Et si vous n’êtes pas sûr de vous, vous pouvez par exemple indiquer le maillon de votre raisonnement dont vous êtes le moins certain. Vivent les réponses naturelles.
Mettons qu’une erreur ait été proférée à l’oral. Je me rends compte d’avoir dit une bêtise. Ce n’est pas la fin du monde, et l’épreuve est loin d’être terminée. Vous avez la chance de vous en être rendu compte ! Ou vous avez bénéficié d’un avertissement indirect de votre interlocuteur. Dites, sur un ton assez simple « non mais j’ai dit une bêtise ». « En fait non, l’hypothèse dont je parlais, c’était celle-là ». « J’ai confondu ave telle autre hypothèse. » Je ne cache pas ma faillibilité, sans en avoir honte, et je montre que je sais me rattraper derrière.
Ce que je cherche à démonter, c’est le côté absolu de « Ah, j’ai dit une bêtise, ça y est, maintenant c’est catastrophe sur catastrophe. Du coup, l’interlocuteur, le jury va me détester, etc. » Non, pas du tout. Et d’ailleurs, vous n’en avez rien à faire. Vous n’avez pas grand-chose à faire de la personnalité de votre interlocuteur, de votre colleur. Ne surinterprétez pas certains silences.
Il est vrai que si le correcteur vous dit d’un ton un peu surpris, presque offusqué, « elle est continue donc dérivable, ah bon ? Vous en êtes certain ? », effectivement, là, vous pouvez vous douter qu’il est en train de vous montrer que vous êtes en train de dire une grosse bêtise. Dites-vous qu’on vous tend une perche. D’accord, dans l’idéal, je n’aurais pas dit cette bêtise-là, mais rien n’est idéal. Voilà, là, je l’ai dite. Maintenant, on va essayer de rebondir. Il m’est arrivé très récemment de donner une assez bonne note à un élève en colle, alors qu’il avait enchaîné bourde sur bourde, inattention sur inattention, parce qu’il m’a montré un grand sens de la répartie mathématique. Parce qu’il a admirablement saisi les perches tendues, démontrant par là-même que ses erreurs n’étaient pas liées à un problème plus profond de raisonnement.
De même, lorsque vous êtes bloqué et que le jury vous donne une indication, ce n’est pas la fin du monde. Plutôt que de vous demander combien de points vous perdez, essayez de rebondir dessus, voilà, je vais essayer de faire ça, ça, je peux prouver ce que vous me demandez dans un cas particulier qui n’est pas le cas général, certes, mais au moins j’aurai ce cas particulier, etc.
Tout en les évitant au maximum avec une bonne préparation en amont, désacralisez ces moments où vous bloquez, voire ces moments où vous dites une bêtise à l’oral. En avoir peur risque de vous donner l’impression d’évoluer sur un champ de mines, ou de subir un interrogatoire, qui vous ferait tomber dans une catastrophique rétention d’information : « moins j’en dirai, moins je ferai d’erreurs, et mieux ce sera ».
J’espère que cet article aura réussi à vous convaincre de l’idée suivante : soyez sûr de votre préparation en amont, n’ayez pas peur des éventuelles erreurs en aval, et corrigez-les au mieux. Bon courage pour vos oraux, de quelque nature qu’ils soient.
Vous trouverez ici sur ma chaîne youtube, l’équivalent à peu de choses près de cet article en format audio.
