Faisant tanguer sa bière au rythme des wagons,
un loustic éméché des métros de Paris
se permit d’attarder son regard ahuri
sur ma dense crinière alourdie de flocons.
Ne pouvant ignorer plus longtemps l’indiscret,
je finis par lever la tête de ma feuille
et je lui préparai mon plus féroce accueil
car l’homme me fixait d’un petit peu trop près.
Mais il me désarma d’un geste exagéré,
mima cette explosion qu’il voyait dans ma touffe
puis se contenta pour l’accompagner d’un « pouf ! »
en partant d’un gros rire qui fit adhérer
la poignée de témoins, ma voisine de rame
écrivant comme moi dans son petit livret,
deux touristes chinois que Paris décevrait
mais qu’aurait bien distraits notre court mélodrame.
« Mon capillaire ami, dit-il, quel beau chaos
utile en temps de neige ! Ah merci, qu’il me plaît
de me voir mieux coiffé; j’en bois du petit-lait,
moi qui ne tourne certes pas qu’au cacao… »
Voyant autour de moi ma voisine amusée,
les touristes conquis par ce tribun des rails
qui sut si bien briser des langues la muraille,
je pris le dur parti de rire à son phrasé.
Tu me fais interrompre vagabond l’énième
de mes vers océans et j’en suis fort marri…
Mais je suis bon perdant : ornons ta plaidoirie
de la sobriété qu’impose le poème.
A.H.