« Comment ça, je divise chaque membre de l’égalité par 2 ? Vous me prenez pour un abruti? Vous pensez que j’ai vraiment besoin de ça pour comprendre ce que vous faites? Allez à l’essentiel ! » Notre professeur de mathématiques avait commencé la correction des copies, et tenait à le faire savoir. Du moins, la victime du jour le sut, et en prit pour son grade. Ces saillies piquantes, régulières, équiréparties sur l’ensemble de la classe, pimentaient notre quotidien morne et insipide d’élèves de prépa. On avait beau savoir que l’on serait le prochain, cela n’empêchait pas de profiter du moment présent, de rire de la mine déconfite du camarade ciblé, et de penser à deux ou trois quolibets qui lui seraient adressés à la pause.
Le camarade en question avait compris de travers l’injonction naturelle à bien justifier ses calculs et détailler son raisonnement. En cas de doute, mieux vaut trop de détails que pas assez, avait-il dû se dire. Avec raison, mais passé un certain niveau de détail, le superflu peut exaspérer le correcteur. Rappeler que ln(0,7) < 0 avant de diviser une inégalité par ln(0,7) (et donc de changer le sens de ladite inégalité) revêt un intérêt en ce sens qu’une mini-subtilité calculatoire s’en trouve ainsi éclairée. Expliquer, comme le fit mon camarade, qu’on divise chaque membre de l’égalité par 2, n’en revêt aucun. Il y a bien assez de passages à justifier comme cela pour ne pas s’imposer en plus d’expliquer ce qui va de soi.
Et c’est tout au long de sa formation qu’un élève se forge une idée de plus en plus précise de ce qui » va de soi « , de ce qui est » trivial « , et de ce qui mérite qu’on s’y attarde. Cela revient le plus souvent à se poser la question suivante : » qu’est-ce qui me permet honnêtement de passer de telle à telle ligne ? Un théorème ou un résultat de cours ? Je le cite, après avoir évidemment montré que ses hypothèses sont vérifiées ici (et pas seulement m’être contenté de les ânonner). Une subtilité dont l’oubli aurait entraîné une erreur ? Je l’expose à mon correcteur.
Dans une composition, les détails déjà donnés en amont peuvent aussi trancher quant au niveau de détail requis pour la suite. Ainsi, si pour une même question, j’ai déjà cité plusieurs fois l’argument de la croissance de la fonction exponentielle pour avancer d’une inégalité à l’autre, je peux me montrer plus concis lorsque je m’en ressers. Si la 3)b) requiert un raisonnement (vraiment) similaire à celui déjà déployé avec force détails en 2)c), je peux me permettre d’aller plus vite sur les points détaillés en 2)c). En règle générale, il est d’autant plus important de détailler sa rédaction que l’on est en début de sujet (et donc que le correcteur ne s’est pas encore fait une idée de notre niveau de rigueur). Il ne s’agit surtout pas de donner carte blanche aux accélérations funestes en fin de devoir, mais plutôt d’exposer cette préconisation simple et de bon sens : moduler le niveau de détail de la rédaction en fonction des détails déjà fournis.